Dong Van

Encore un peu attaché par le spectacle d’une femme qui cire des panneaux chargés d’idéogrammes dorés à la feuille et celui de jeunes garçons aux ongles longs comme des couteaux, qui, assis sur leurs talons, sculptent des cadres de lanternes, il est temps de quitter les étoiles rouges éteintes sous le feu des bombardements.
Longtemps suivie, la rivière parsemée d’îlots en forme de coquillages renversés, avait des odeurs mandarine et nous a conduite vers le nord.
Une vieille Ford qui a pris la couleur de la route et traversé des pistes impossibles, nous a péniblement menés vers un petit village où nous avons rendez-vous avec un être singulier.

Bac Nam
C’est un petit homme qui n’a plus d’âge, tant sa vie fût longue. Son visage parcheminé, ses petits yeux rieurs, sa longue barbichette et le bonnet de laine qu’il ne quitte jamais, évoquent la figure tutélaire de l’illustre révolutionnaire qu’il eut le privilège de côtoyer dans sa jeunesse.
Dans un excellent français, il nous parle de l’époque qui suivit l’indépendance, durant laquelle il fût chargé de tisser des liens entre les renseignements de son pays et ceux des moudjahidines durant la guerre d’Algérie.
Entourés de quelques femmes aux dents noircies par le badiane, notre petit homme embarrassât notre traductrice lorsqu’il porta un regard amusé envers les voyous qui avaient sombré dans le social au nom de la révolution pour guides touristiques!
Autour de nous, les murs sont tapissés de vieilles photos qui rappellent les douloureux combats de la «RC4». On y découvre le visage du général Giap sous son éternel «bo doi». Une carte postale un peu incongrue dans ce décor laisse découvrir le luxe des maisons bordant la rue Catina, témoin d’un Saïgon oublié.
Ma nuit passée avec eux, fût troublée par le souvenir des images de la «317ème section». Il est vrai que Kao Bang était bien proche!

Le lendemain, en traversant des villages d’une pauvreté stupéfiante où se mêlent la crasse et la poussière qui recouvre les vitres de la voiture, j’apprécie le spectacle du patchwork des lessives qui sèchent au soleil, d’où émergent les sourires des enfants.

Bientôt la frontière chinoise.