Errance

Dans un paysage infiniment tendre et vallonné, je connais un chemin bordé de chênes nains et de pierres sèches dont le lit de feuilles mortes a la couleur du sommeil.

Pour l’emprunter, il faut laisser le calvaire sur la droite et prendre la direction des «Essarts» contraction d’essartages qui signifie brûlis de broussaille.

A l’instant où, derrière les collines, vers la Rochelle, le soleil se couche en embrasant les façades du vieux bourg, le moment est venu de l’emprunter en marchant sur son ombre.

Au premier tournant déjà, je respire les fortes exhalaisons de la terre détrempée.

Elles se mêlent à l’odeur âcre d’une litière invisible. Je la sais pourtant cachée à l’ombre de la petite bergerie qui, comme un amer, balise l’entrée de ce sentier de verdure.

Dès lors, pas à pas, je m’enfonce dans un exubérant théâtre d’ombre et de lumière. Ses murs bas et moussus sont lovés au milieu d’une nature sauvagement échevelée. De ce qui fût une fermette désormais abandonnée, il ne reste plus grand chose.

Une porte basse ouvre sur la pièce principale. A droite, le cadre de l’âtre noircit brille dans la pénombre. Elle fût pendant longtemps l’unique source de vie de cette masure avec la pierre à eau accrochée sous la fenêtre obscurcie par un rideau de toiles d’araignées. Dans le fond, une ouverture en partie obstruée par un amoncellement de vieilles solives donne sur ce qui devait être la chambre. Ici, durant de froides nuits, blottis l’un contre l’autre, des couples s’aimèrent et tremblèrent dans l’angoisse des lendemains, ceux des orages dévastateurs, des épizooties, ou de ceux de la visite des sergents recruteurs, prédateurs détestés au service des despotes. Pauvres gens!

Maintenant, le chemin descend en pente douce vers un petit ruisseau qui déborde de tous côtés. Il me conduit vers une petite combe ou je découvre la carcasse d’une vieille voiture dont la marque m’est totalement inconnue!

C’est à peu de distance que se trouve l’endroit le plus troublant de cette promenade. Il s’agit d’une source, blottie à l’ombre du feuillage. Un cordon de lichens, délicatement ourlé, la protège. J’ai envie d’y boire à la vie. Je me penche vers sa limpidité frissonnante pour y tremper mes lèvres. Un instant de bonheur que j’aimerais figé tandis que la nuit commence à tomber.

Je laisse encore traîner une jambe sur son côté avant de m’assoir pour veiller un peu sur mes souvenirs.

J’ai repris, à contre-coeur, le chemin qui, en pente douce, entre haies et bosquets, me ramènent en direction d’un nouveau départ.

Quelque part en France