Sittwe

J’ai fait rire l’équipage du rafiot qui m’emmenait vers Sittwe lorsqu’une planche du pont céda sous mon poids d’occidental.

Atteindre la berge en marchant en équilibre sur un chemin de planches que franchissaient les birmans avec une agilité déconcertante, acheva de m’exposer à la dure réalité de ma condition de touriste.

On m’avait prévenu que la situation politique que traversait la région n’en faisait pas une terre d’accueil, mais j’avais toutefois l’intention de poursuivre mon voyage.

Sale ambiance dans les rues! Il y a des questions qu’il ne faut pas poser. Pour commencer, éviter de parler du conflit qui jette les rohingyas sur les routes de l’exil ou de prononcer les noms de Han San su Chi ou celui de Ashin Wirathu. Quant à voir cet européen chercher un hôtel en pareil lieu!!!

J’ai fini par le trouver; du moins la bâtisse délabrée qu’il était devenu sous le nom de «RV».
A dire vrai, j’aurais eu de la peine à le trouver sans la présence de 3 SUV du CICR qui étaient stationnés devant sa porte. J’ai vite remarqué que le «pittoresque» avait encore frappé!
Deux étages délabrés et inhabités m’ont conduit à la seule chambre qui allait faire mon affaire pour la nuit.

«Mais Monsieur William, qu’alliez-vous faire dans la 42ème rue?»

Au petit matin, j’ai décidé de me rendre au marché aux poissons avant le lever du soleil.

On m’avait dit que les autorités exerçaient de fortes pressions sur les minorités et j’en eu rapidement la preuve.

Un important groupe de femmes apparut, s’éclairant avec des lanternes. Elles vinrent déposer à même le sol une multitude de poissons et crustacés sur un tapis d’écailles
puantes qu’elles foulaient pieds nus dans leurs tongs.

Dans cette aube naissante, ce spectacle me laissa plein de mansuétudes à l’égard de cette communauté, surtout lorsque j’appris que les autorités les contraignaient à quitter les lieux avant le lever du soleil. Je dois ajouter que je ne vis pas beaucoup d’acheteurs ce matin-là!

De retour à l’hôtel, j’ai trouvé la salle principale occupée par un groupe du CICR dont la table voisinait celle de soldats armés qui me toisèrent d’une façon qui ne me procura aucune envie de lier conversation; pas plus d’ailleurs qu’avec les membres de la Croix Rouge. Je crois d’ailleurs, qu’ils ont dû m’en être reconnaissant.

J’ai quitté Sittwe pour trois jours de bateau inoubliables jusqu’à Mrauk U pour y admirer les plus belles pagodes du pays et y attendre les derniers rayons du soleil illuminer les coupoles d’or surgissant de la jungle.

En fait, j’ai fini par y rester une semaine.